« ‘Partisan warfare’, ‘war in detachment’ : la ‘petite guerre’ vue d’Angleterre (xviiie siècle) »

Résumé de l’article en français au bas de la présente page // Abstract of the article in English below. 


Article publié dans :

Stratégique [Paris, diffusion Economica], n° 84, mars 2004, p. 13-59.

* Texte intégral de l’article disponible sur Internet ICI

* Table des matières du numéro disponible sur Internet ICI


 

 


 
 

« ‘Partisan warfare’, ‘war in detachment’ : la ‘petite guerre’ vue d’Angleterre (xviiie siècle) »

Article publié à nouveau en 2010 dans :

Coutau-Bégarie (dir.), Stratégies irrégulières (recueil d’articles), Paris, Economica, 2010, p. 312-344.

Peut être commandé par exemple ICI.


 

 

Résumé introductif en français :

L’article vise à mesurer et à expliquer la prise de conscience progressive, en Grande-Bretagne au xviiie siècle, de l’importance de la « petite guerre » ou « guerre de partis » dans la pensée militaire (plus tardivement qu’ailleurs en Europe). Il montre ensuite la naissance et la progression numérique des troupes légères britanniques au cours de ce siècle, la politique gouvernementale à leur égard, et la prise en compte de la petite guerre sur le terrain par les Britanniques, à travers une étude de cas inédite concernant la guerre de Succession d’Autriche.

Ce fut seulement en 1770 qu’un auteur britannique, Stevenson, écrivit et publia pour la première fois un traité de petite guerre. Les Britanniques restèrent en effet d’abord en marge du mouvement européen de publications sur ce thème. Certains historiens soutiennent que, au xviiie siècle, les officiers britanniques avaient peu le souci de parfaire leurs connaissances militaires. Les recherches de J. Houlding permettent de nuancer cette assertion. Il reste que la routine tactique ambiante était réelle, avec une tendance des traités d’art militaire à n’enseigner que le service de parade et de garnison.

L’article explore le contexte qui a porté l’intérêt réel - quoique tardif - marqué par les officiers anglais pour la petite guerre dans les années 1760-1770. Il est à noter que les traductions d’écrits étrangers sont restées plus nombreuses que les écrits proprement nationaux.

Plus importante qu’il n’y paraît est la question de la traduction – ou plutôt, de l’inexistence d’une traduction ! – de l’expression de « petite guerre » elle-même en anglais au xviiie siècle ; et, partant, de la difficulté des historiens britanniques du xxe siècle à proposer une expression adéquate pour exprimer une réalité qui ne fut pas traduite autrement que par des circonlocutions au xviiie siècle… L’article pointe la faiblesse du vocabulaire militaire de la langue anglaise au xviiie siècle (reconnue par les contemporains), fait un état des lieux des choix des auteurs pour exprimer la réalité de la « petite guerre », et des solutions envisagées par les historiens d’aujourd’hui. Conséquence de l’importance sous-estimée de cette question : la confusion faite souvent aujourd’hui encore entre « la » petite guerre au singulier et « les » petites guerres au pluriel (entre la tactique d’irregular warfare et les small wars au sens où en parle Charles Edward Callwell).

De nombreuses études ont été consacrées dans l’historiographie en langue anglaise à la guerre d’Indépendance américaine et à la tactique qui y fut utilisée ; parce que les guerres civiles marquent plus les consciences nationales que d’autres types de conflits, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une guerre d’indépendance, fondatrice d’un nouvel Etat ! Or, contrairement à ce que l’on pourrait penser en conséquence, la tactique de guérilla de la guerre d’Indépendance américaine n’eut qu’une influence décalée dans le temps sur la pensée stratégique britannique. Certes, à un théoricien comme Emmerich (officier Hessois ayant combattu dans les rangs britanniques dans ce conflit, et qui le cite en exemple dans son traité de petite guerre en 1789) revient le mérite, avec son compatriote Ewald, d’avoir compris le rôle qu’auraient désormais les populations civiles et les motivations idéologiques dans les conflits.

Mais, d’une part, de véritables troupes légères existèrent dans l’armée britannique bien avant la guerre d’Indépendance américaine, même si leur mise en place fut plus tardive que chez les principaux voisins européens. Seulement, d’autre part, ces troupes furent malheureusement à chaque fois licenciées à la paix, raison qui n’aidait pas à la perpétuation d’un certain savoir-faire en matière d’opérations à caractère indirect. Le premier véritable régiment de troupes légères, les light dragoons, fut levé en 1745 pour combattre la révolte jacobite. Sur ce modèle en furent levés d’autres, toujours temporaires, à l’occasion de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) puis de la guerre de Sept ans (1756-1763).

L’article se clôt sur une étude de cas neuve (à poursuivre), qui montre la petite guerre comprise et menée par les Britanniques durant les campagnes de Flandre de la guerre de Succession d’Autriche, et en particulier en 1747. Etude de cas concernant une période et un théâtre d’opérations encore inexplorés pour cet aspect de l’art de la guerre vu et vécu par les Britanniques. On y voit que certains de leurs officiers généraux n’attendirent pas les conflits de la seconde moitié du siècle et leurs théâtres d’opérations américains pour avoir une claire compréhension du rôle de la petite guerre. Cette étude de cas est basée essentiellement, à côté de quelques récits militaires d’auteurs britanniques publiés dès après le conflit, sur des archives encore inexploitées à cet égard : les papiers militaires du duc de Cumberland, commandant en chef (anglais) des « Alliés » opposés aux Français en 1747.  


Abstract in English: 

"‘Partisan warfare’, ‘war in detachment’: the ‘petite guerre’ seen from England (18th century)" 

The article aims to measure and to explain the gradual realisation, in Great Britain during the 18th century, of the importance of the "petite guerre" or the "partisan warfare" in military thinking (later that elsewhere in Europe). It shows then the creation and the increase in numbers of British light troops in the course of this century, the Government's policy with regard to them, and the awareness of the British for the "petite guerre" in the field, through a new case study regarding the War of Austrian Succession.

It was only in 1770 that a British author, Stevenson, wrote and published for the first time a treatise on the "petite guerre". Indeed, the British remained for some time on the sidelines of the stream of publications in Europe on this subject. Some historians are asserting that British officers in the 18th century didn't really care about refining their military knowledge. The researches of J. Houlding allow modifying slightly this statement. The fact remains that a prevailing tactical routine was real, with a tendency in military treatises to instruct only parade and garrison duties.

The article explores the context that brought the real – albeit late – interest expressed by English officers for the "petite guerre" in the years 1760-1770. It should be noted that there have been more translations of foreign books than real national works.  

More important than it seems is the question of the translation – or rather the non-existence of any translation! – of the wording for the "petite guerre" in English during the 18th century ; and, therefore, the difficulty for British historians of the 20th century to suggest an adequate wording in order to express a reality which was only translated with circumlocutions in the 18th century... The article points out the shortcomings of military vocabulary in the English language during the 18th century (recognized at the time), makes an inventory of the authors' choices to express the reality of the "petite guerre", as well as the solutions considered by today's historians. A consequence of this underestimated question is the confusion often remaining nowadays between the "petite guerre" in singular and the small wars in plural (that is, between the tactic of irregular warfare and the small wars in the sense used by Charles Edward Callwell). 

Numerous studies have been written within the historiography in English language about the American War of Independence and about the tactic which it used; because civil wars make a bigger mark on the national consciousness than other types of conflicts, especially in the case of an independence war, leading to the birth of a new state! However, contrary to what one might think accordingly, the tactic of "guerrilla" in the American War of Independence only had later an influence of British strategic thinking. To be sure, a theoretician like Emmerich (a Hessian officer who fought with the British in this conflict, and who cites it as an example in his treatise of the "petite guerre" in 1789) has the merit, with his fellow countryman Ewald, of having understood the role that would have from now on the civilian populations and the ideological motivations in conflicts.

However, on one hand real light troops existed in the British army well before the American War of Independence, even if their inception came later than for the main European neighbours. On the other hand, those troops were unfortunately disbanded every time peace was made, and this didn't help the perpetuation of a certain know-how regarding an indirect style of operations. The first real regiment of light troops, the Light Dragoons, was raised in 1745 in order to fight the Jacobite rising. Other were raised on this model, always temporary, on the occasion of the War of Austrian Succession (1740-1748) and then of the Seven Years' War (1756-1763).

The article concludes with a new case study (to be continued) which presents the "petite guerre" understood and conducted by the British during the campaigns in Flanders of the War of Austrian Succession, and especially in 1747. This case study focuses on a period and on a theatre of operation still unexplored regarding this aspect of the art of war, as the British saw and experienced it. We can see that some of their generals didn't wait for the conflicts of the second half of the century and for the American theatre of operation to clearly understand the role of the "petite guerre". Beside some military accounts of British authors published after the conflict, this case study is based mainly on archives still waiting to be used on this subject : the military papers of the Duke of Cumberland, the English commander in chief of the Allies opposed to the French in 1747.