V. Place du Commando : une presse quotidienne régionale proche du pouvoir

1. En images : le changement de regard de Ouest-France sur l'ancienne place du Commando

AVANT l’annonce du projet municipal de transformation, la place dans Ouest-France, c’était :

...la cérémonie annuelle rappelant l’opération Chariot, autour des monuments commémoratifs, devant la baie (photo : Ouest-France, 28 mars 2012 – cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Année après année, c’était souvent le journaliste Frédéric Salle qui couvrait l’événement dans Ouest-France, comme dans cet article du 29 mars 2012, le lendemain du 70e anniversaire de Chariot, où étaient présents quatre vétérans, dont trois sont au premier plan de la photo ci-dessus (de gauche à droite : Corran Purdon, Bob Montgomery et Stephen Barney)


APRES que la place a été transformée, l’ancienne place du Commando, c’est devenu dans Ouest-France :

…seulement le parking arboré situé au nord de la place (photo : Ouest-France – cliquer sur l’image pour l’agrandir)

C’est cette unique photographie qui illustre un article du même journaliste Frédéric Salle, publié le 8 juin 2018, avec pour légende : « La place du Commando version 2014. Des arbres et un parking d’abord. » Dans cet article, de façon surprenante, pas un mot sur l’existence jusqu’en 2016, place du Commando, de quelconques monuments commémoratifs. Pas un mot non plus pour les cérémonies qui avaient lieu là auparavant.

Or, pour mémoire, la place du Commando dans son entier, c’était jusqu’en 2015, du nord au sud (voir la place vue du ciel, ci-après) : au nord, un petit parking arboré ; ensuite, une césure verdoyante composée d’arbres, en bordure de la rue de Verdun ; au sud, les monuments commémoratifs de l’opération Chariot et du naufrage du Lancastria, de l’autre côté de la rue, le long du remblai, en bordure de plage. Et c’était l’ensemble commémoratif situé à cet endroit qui donnait son nom à la place ! Le choix des photographies à propos de la place du Commando, dans la presse quotidienne, participe en 2018 à la nouvelle orientation du message que l’on souhaite faire passer – sans crainte de tronquer la réalité.

2. Un tour d'horizon de la démission de la presse quotidienne

La désinformation systématique et ciblée des autorités municipales quant au démantèlement de l'ensemble mémoriel lié à la place du Commando n'a guère rencontré de courant contraire au sein des médias. Le projet de transformation a même été soutenu avec force et esprit partisan du côté de la presse quotidienne régionale.

Prise dans son ensemble, la presse n'a guère joué ce rôle essentiel d'organe indépendant de tout pouvoir et de source d'information désintéressée. Les quotidiens régionaux Ouest-France et Presse Océan ont presque systématiquement présenté le projet et son évolution selon le point de vue des autorités municipales et avec les mêmes arguments (voir ci-contre), un parti pris déjà vu pour les travaux antérieurs le long du front de mer.

C'est l'hebdomadaire L'Echo de la Presqu'Ile qui, à plusieurs reprises, adonné une image plus nuancée de la chose, en soulignant les aspects polémiques ainsi que l'absence d'unanimité sur les choix concernant les monuments mémoriels et la forme du projet.

Cet article d'Ouest-France du 6 janvier 2018 illustre la tendance de la presse à soutenir le projet au lieu de refléter tous ses aspects (image Ouest-France)

A preuve : L'Echo de la Presqu'Ile a repris notre point de vue dans un article d’août 2017 qui faisait le point sur le projet ; cet hebdomadaire avait déjà accepté de faire paraître en mai 2017 un « Courrier des lecteurs » de notre part dans ses colonnes et, ainsi, de donner la parole à un intervenant critique quant à un aspect précis.

La rédaction nazairienne de Ouest-France a eu en revanche un comportement incompréhensible de la part d’un organe de presse sérieux. En avril 2017, une journaliste de ce quotidien s’était dite intéressée, par courriel puis par téléphone, par une intervention de notre part au titre de « courrier des lecteurs », que nous avions proposée ; un dialogue s’était engagé, et un texte de ma part devait paraître dans l’édition papier et/ou sur Internet. Or en quelques jours, la rédaction de Ouest-France a soudain coupé les ponts et s'est emmurée dans le silence, en dépit de notre relance. Sans même avoir la décence d’un message pour annoncer, même brièvement, que le journal ne souhaitait finalement pas publier ce « courrier des lecteurs » de notre part.

Dès lors, tout porte à croire que des consignes ont été données à cette journaliste par la direction locale du journal, et que notre propos – qui était seulement l’équivalent de ce qui a finalement été publié le 26 mai 2017 dans L’Echo de la Presqu’île ! –, ce « courrier des lecteurs », donc, ne devait pas paraître, parce qu’il gênait la ligne éditoriale de Ouest-France favorable aux autorités municipales. Ce n'est pas le refus de publier qui est ici remarquable, mais le fait de ne pas l'annoncer et donc de n'en donner aucune raison. On devine une ligne officielle, bien définie.

Le silence du quotidien Presse Océan est encore plus frappant. Le 30 septembre 2017, au vu de la riche actualité qui avait marqué l’année 2017 concernant la place du Commando, nous avons fait connaître aussi notre point de vue sur ces transformations à la rédaction de Presse Océan, par courriel, au titre de l’Histoire et des Lieux de Mémoire ; en émettant le souhait que ce point de vue soit relayé dans Presse Océan (journal papier ou site Internet), d’une manière que le journal jugerait opportune. Nous faisions valoir que l’angle mémoriel qui était le nôtre n’avait pas été abordé par la presse quotidienne régionale jusqu’alors, et nous ajoutions :         « Cela me paraît dommage, car je pense que, dans une telle affaire, avec des travaux d’une telle ampleur, tous les angles d’approche, tous les points de vue, tous les problèmes doivent être évoqués » ; d’autant que notre point de vue, d’après des pages Facebook, rencontrait l’adhésion d’autres Nazairiens. Notre courriel n’a cependant jamais reçu de réponse de la rédaction de Presse Océan.

Pour revenir à la ligne éditoriale des deux quotidiens régionaux Ouest-France et Presse Océan, cette presse s’est bien gardée de relever le discours changeant des responsables municipaux quant à l'emplacement des monuments commémoratifs, et les méthodes peu honorables décrites sur cette page. Un journaliste un brin critique aurait pu relever que les affiches de la SONADEV installées place du Commando, en 2017, pour annoncer les travaux (voir l'illustration de l'article du 6 janvier 2018 ci-dessus), montraient le menhir de l'opération Chariot sur la place, comme le prévoyait le projet sélectionné et rendu public, alors que la mise à l'écart du monument avait été décidée et concrétisée depuis longtemps.


Une image du projet final pour la place du Commando, sur lequel on voit distinctement, à gauche, le menhir de l'opération Chariot et le mémorial du Lancastria (image : Phytolab)

La même image, diffusée par Ouest-France ultérieurement, a été rognée de manière à écarter le menhir, pourtant symbolique (image : Ouest-France)

A l’occasion de la commémoration des 75 ans du raid, en mars 2017, la presse quotidienne régionale (journaux Ouest-France et Presse Océan) s'est d'ailleurs bien gardée de manifester un quelconque esprit critique, dans le traitement de l’information de la surprenante dispersion des trois monuments de la Seconde Guerre mondiale (les deux monuments de Chariot et le monument du Lancastria).Cette presse quotidienne régionale a même entièrement suivi la ligne des autorités municipales, allant jusqu'à affirmer que les Anglais étaient "ravis" du nouveau site du menhir, tout en concédant que la dispersion des lieux de mémoire ne faisait pas l'unanimité. L’hebdomadaire L’Echo de la Presqu’île a souligné en revanche que le manque d'intérêt de la mairie pour le souvenir de l'opération, et le fait de remiser le menhir à l'écart des passants, faisaient polémique.


Une aide substantielle pour les autorités

Les médias quotidiens régionaux ont également failli en raison de leur tendance à suivre la ligne des autorités consistant à dénigrer l'aménagement antérieur de la place du Commando, afin de mieux mettre en évidence les atouts du projet aux yeux de la population.

Cette tendance a été nette tout au long des travaux de la transformation de la place du Commando, comme dans cet article de Ouest-France signé de Frédéric Salle et publié le 8 juin 2018, émaillé de propres tenus par le maire actuel et par son prédécesseur : on y apprend que la place du Commando en 2014, c'était « des arbres et un parking d'abord ». Pas un mot sur la dispersion des monuments mémoriels, qui ont donné son nom et son cœur à la place ; pas un mot sur cette Histoire à laquelle on tourne le dos tout en prétendant le contraire.

Dans un article publié le 8 juin 2018, Ouest-France illustre la place du Commando en 2014 avec le seul parking (image Ouest-France)

Aucune question critique n'est posée aux dirigeants de la ville, qui sont uniquement présentés comme des esprits éclairés, veillant de toute évidence à la transformation de la ville dans un sens entièrement positif. La destruction du muret longeant le ramblai, si pratique pour s'asseoir librement sans pour autant entraver la vue des passants, n'est par exemple jamais remise en question, alors que les barrières qui les remplacent ne protègent pas du sable et ne permettent plus de s'asseoir. L'éradication des arbres traditionnels qui fournissaient de l'ombre au passant, près du ramblai, et leur remplacement par des palmiers bien moins adaptés au climat et ne donnant aucun asile aux oiseaux, cela n'est jamais discuté, ni dans Ouest-France, ni dans Presse Océan.

Les oppositions au projet sont traitées par le dénigrement. Lorsqu'un groupe de riverains surpris par l'évolution imprévue du projet a menacé de s'opposer aux demandes des permis de construire, cet usage parfaitement légal et légitime des voies de recours juridiques offertes aux citoyens est présenté dans le même article de Frédéric Salle comme une « attaque », et donc décrit avec un manque criant d'objectivité. La réaction de colère des autorités, pourtant discutable car témoignant d'un manque de respect pour les droits des citoyens, n'est pas commentée ou qualifiée. L'importance du projet justifie apparemment une aide substantielle des médias.

On le voit dans un autre article du même Frédéric Salle, publié le 24 mars 2017 sur l'accord trouvé entre les riverains en question et la municipalité. Le journaliste conclut en mentionnant « quelques banderoles hostiles criant au 'bétonnage' » qui « attaquent » encore la ville « sur un projet pourant plébiscité par les Nazairiens. » On cherche en vain dans cet article l’élément de preuve qui atteste que ce porjet fut effectivement « plébiscité par les Nazairiens ». Quel vote de la population ? Quel sondage au moins, l’atteste-t-il ? .

Cette manière de dénigrer une opposition légitime et de prétendre l'existence d'un plébiscite qui n'a jamais eu lieu et d'un soutien qui n'a aucune preuve tangible, c’est assurément la marque d'organes de presse qui ont perdu toute indépendance, et qui marchent main dans la main avec les autorités. Leur propre légitimité en paie logiquement le prix.

Page précédente (IV. Place du Commando : la désinformation publique au cœur du projet), voir ICI.
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